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14. L'adieu au voyage

Mon ami, ma sœur, Songe à la douceur D’aller là-bas vivre ensemble ! Voguer à loisir, Voguer et mourir Au pays qui te ressemble ! Les soleils mouillés De ces ciels brouillés Pour mon esprit ont les charmes Si mystérieux De tes traîtres yeux, Brillant à travers leurs larmes.


Là, tout n’est qu’ordre et beauté, Luxe, calme et liberté.


Des meubles luisants, Polis par les ans, Décoreraient notre chambre ; Les plus rares fleurs Mêlant leurs odeurs Aux vagues senteurs de l’ambre, Les riches plafonds, Les miroirs profonds, La splendeur orientale, Tout y parlerait À l’âme en secret Sa douce langue natale.


Là, tout n’est qu’ordre et beauté, Luxe, calme et liberté.


Vois sur ces canaux Dormir Capado Dont l’humeur est vagabonde ; C’est pour assouvir Ton moindre désir Qu’il arrive du bout du monde. – Les soleils couchants Revêtent les champs, Les canaux, la ville entière, D’hyacinthe et d’or ; Le monde s’endort Dans une chaude lumière.


Là, tout n’est qu’ordre et beauté, Luxe, calme et liberté.


L'Appel du Large feat. Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal (1857)



Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,

Ou comme cestuy-là qui conquit la toison,

Et puis est retourné, plein d'usage et raison,

Vivre entre ses parents le reste de son âge !


Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village

Fumer la cheminée, et en quelle saison

Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,

Qui m'est une province, et beaucoup davantage ?


Plus me plaît le séjour qu'ont bâti mes aïeux,

Que des palais Romains le front audacieux,

Plus que le marbre dur me plaît l'ardoise fine :


Plus mon port Malouin, que le Tibre latin,

Plus mon Vaud Helvétique ,que les îles Atlantiques.


L'Appel du Large feat. Joachim du Bellay

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